On retrouve Ryo et Tom au calme, parcourant les routes sur un chariot qu'ils ont pu acquérir grâce à un pécule laissé par Dara, avançant tranquillement sur les pavés. Conformément aux paroles du chevalier royal, ils ne se rendent pas à Louveria, capitale de Celesta, mais font route dans le sens opposé. Durant leur fuite de l'arène le petit mage a décidé d'accepter le rôle de guide mais également de responsable des affaires courantes moyennant salaire. Apprenant les événements ayant suivis son coma, Ryo apprit ainsi que Miyuki n'a pas suivi son père mais est a été emmenée dans un pays étranger rejoindre une garnison militaire au service de la confrérie. Afin de connaitre leur position ils mettent le cap sur le Nord-Ouest de Celesta où ils passent la frontière en direction de Guernesy, le "royaume de la fortune", passage obligatoire vers une oracle capable de tout voir, tout connaitre sur Alderia.
De l'autre côté de ce pays jouxtant la frontière avec Feuered, Siegfried était également dans ce royaume dont la spécificité est l'incroyable richesse qui s'y trouve. Le sous-sol regorge de métaux précieux, le climat y est doux, les précipitations y sont peu fréquentes et la noblesse adore profiter des lacs et des montagnes qui s'y trouvent. De ce fait si seuls les membres de sang bleu peuvent devenir propriétaires, cet amas de liquidité attire également les malfrats de tout le continent, faisant des routes de Guernesy les moins sûres qui soient. Visiblement surpris d'attirer autant de brigands à lui, le prince se fait une joie de les expédier en enfer mais, las de ces rixes sans fin, il fuit à dos de cheval plus au sud en direction de Molsk quand, à son entrée en ville, un groupe de soldats vient l'accueillir. Méfiant, il ne descendit pas de monture, préférant attendre d'en savoir plus sur leurs intentions lorsqu'un homme élégant revêtu d'une lourde armure sertie de bijoux vint à sa rencontre.
"Voici donc l'homme qui a nettoyé nos sols de sa gangrène. Un homme de qualité et de vertu" s'incline le soldat.
"A qui ai-je l'honneur ?"
"Je suis le sieur Garance d'Ermesy. Contrairement aux autres territoires d'Alderia le notre ne compte ni monarque ni royauté, seul la fortune donne du pouvoir. On peut donc dire que je suis...le souverain officieux de Guernesy ? Hohoho"
"J'ai entendu parler de vous, vous êtes connu pour vos somptueuses réceptions"
"Le faste est comme une seconde nature pour moi. Puis-je m'enquérir de votre destination monseigneur de Feuered ?"
"Qu...comment savez-vous que je suis de la noblesse de Feuered ?! J'ai pourtant tout fait pour le cacher !"
L'homme se tourna vers ses hommes, haussant les épaules avec une expression amusée. Visiblement peu habitué à quitter son palais, le prince n'a aucune idée des us et coutumes du bas peuple et il est loin de passer inaperçu. Voila sans doute la raison pour laquelle il fut une cible facile pour les assaillants de tous poils. Heureusement pour lui la noblesse est la seule bien acceptée en ces terres. Poursuivant leur discussion, les 2 hommes se rendirent dans le manoir situé en contre-bas où le prince put découvrir avec étonnement l'arsenal imposant et les moyens militaires prodigieux dont disposait son hôte. Des engins de siège étaient disposés autour de la résidence, des centaines de soldats sur-équipés patrouillaient et lorsqu'enfin les grandes portes du domaine s'entrouvrirent, Siegfried découvrit un lieu de villégiature où se réunissaient les plus grandes fortunes locales.
Prenant le temps de se changer pour retirer la boue et le sang qui recouvrait ses vêtements, après une petite toilette afin de ne pas sembler hors de propos en présence de toutes ces grosses huiles, Siegfried, prétendant être un certain Siegweil de Stränd, fit la connaissance de bien du grand monde quand soudain il eut comme un flash. La nuit tombait lentement, l'obscurité gagnait l'extérieur, uniquement éclairé par des torches et les lampes des soldats patrouillant, pourtant une autre lumière semblait l'attirer. Prenant congé de son hôte un instant, le prince se hâta de se rendre à la source de ce court flash qui semblait émaner d'une petit tour de garde. Grimpant à son sommet, comme attiré par une force invisible, il y découvrit une jeune femme adossée aux remparts. Qui pouvait-elle être ? Une espionne ? Admirant ses longs cheveux blonds, souples et virevoltant au vent, il resta bouche bée lorsqu'elle remarqua sa présence, se tournant tranquillement, flegmatique.
"Veuillez m'excuser de vous déranger...j'ai...vu une lumière et..."
"Ce n'est que moi" répondit-elle doucement avant de retourner à son observation. Attendant une autre réaction, Siegfried allait redescendre lorsqu'il comprit ce que cette fille regardait avec tant d'engouement : la douce lueur de la lune.
"Vous...ne devriez pas rester ici. Si les gardes vous aperçoivent vous pourriez devenir leur cible"
"Vous pensez qu'ils prendraient une jeune fille pour un danger imminent ?"
"Eh bien...une fille de votre rang n'a pas sa place dans un tel endroit"
"Je vois. Effectivement cet argument est recevable. Quel idiot a pu vous la mettre dans le crâne ?"
"Je vous demande pardon ?!"
"La place d'une femme de la noblesse se limiterait-il à un univers de tricot et de paillettes ? Est-ce ainsi que vous concevez le monde ? Qui vous a inculqué cette idée ?"
"C'est...c'est de notoriété publique qu'une riche héritière a plus vocation à se trouver dans des dîners mondains que dans un lieu aussi froid et humide qu'une tour de garde"
"Et qui en a décidé ainsi ? Cela vous gêne-t-il ?"
"Ce ton...je ne le tolérerai pas !"
"Très bien. Vous pouvez donc disposer, je compte rester ici encore quelques temps. Après tout, cet astre est la seule chose qui mérite encore mon égard en ce bas monde. Sans doute est-il lié à mon destin ?"
Préférant éviter de s'énerver davantage, Siegfried en eut assez et descendit, encore remué par ce dialogue loin de ses attentes. Une fois arrivée en bas des marches, un homme portant une fraise au cou s'amusait à le voir froncer les sourcils.
"Eh bien très cher, auriez-vous fait la connaissance de la petite Luna ? Une douce créature qui porte bien son nom, lunatique et énigmatique à la fois. Son seul hobby semble d'admirer et prier cet astre, elle est comme envoutée"
"C'est votre fille ? Monsieur..."
"Absolument pas, cette enfant est la progéniture de ma nouvelle épouse. Voyez-vous j'ai pris la peine de l'accueillir en ma famille, bien que nous ne partageons pas le même sang. Peut-être le chateau n'est plus assez grand et riche pour elle ? Allez savoir"
A cet instant Siegfried repéra l'écusson attachant la cape de son interlocuteur au reste de sa tenue. Lunatica, le royaume de beauté. Une terre parfois comparé à l'Eden en raison de ses paysages. S'agirait-il du nouveau roi fraîchement couronné après la mort du précédent souverain ? Dans ce cas cette fille sur la tour de garde ce serait...secouant la tête, le prince resta là à discuter avec seigneur Mildar qui semblait bien le connaitre. Aurait-il percé la fausse identité du prince ? Le propriétaire des lieux revint à eux, tenant à ce que tous les invités se réunissent pour le bal. Tandis que la musique recouvrait le brouaha et que des couples se formaient, Siegfried, se sentant mal à l'aise dans une telle occasion, se faufilait vers la sortie, admirant au passage l'incroyable souplesse de sieur Garance d'Ermesy qui illuminait l'assemblée de sa dance avant que le sang de Siegfried ne se glace. Commençant à respirer plus difficilement, le jeune homme s'approcha discrètement, voulant s'assurer de ce qu'il venait de voir et il eut confirmation de ses craintes : l'hôte de la soirée ne possède pas d'ombre. Ce n'est pourtant pas le seul, ni sa compagne ni aucun des invités se tenant autour de lui n'en possède. Affolé, il se hâta de partir d'ici au plus vite, c'est là que le seigneur Mildar réapparut.
"Eh bien ? Vous partez déjà ?"
"Je...je suis désolé...la route est encore longue et j'ai une affaire urgente à régler"
"Une affaire urgente ? Diantre, quel dommage, j'aurais aimé vous présenter ma douce épouse, une brave femme, si docile héhéhé"
Tout en prononçant ces mots, le monarque de Lunatica passa près d'une bougie, révélant son reflet contre le mur. Soupirant de voir qu'il restait encore des gens n'ayant pas été victimes de la Confrérie, le prince osa lui glisser des mots à l'oreille pour lui dire de se méfier et de quitter les lieux au plus vite, sans quoi sa vie et celle de sa famille serait en danger. Le remerciant d'une chaude poignée de main, l'homme couronné lui confia également un conseil : ne faire confiance à personne sur sa route. C'est ainsi que Siegfried bondit sur son cheval et reprit la route vers le sud, encore secoué par ce qu'il venait de découvrir. Trouver la voyante était-il encore nécessaire ? Incapable de réfléchir, ce qui hanta les nuits du prince n'était autre que les images de cette soirée marquante et le sermon de la princesse Luna.
Lun 1 Juin - 22:35